De l’interprétation parodique du mouvement rotatif des systèmes planétaires proposée dans L’anus solaire, écrit en 1927, au projet qu’il caressera toute sa vie d’une histoire universelle, en passant par L’économie à la mesure de l’univers (1946), Georges Bataille n’aura cessé d’étendre les limites de la pensée aux dimensions et à la complexité de l’univers. Littéralement énorme, son œuvre n’en reste pas moins « versée dans une même direction », « unie vers » une même notion ou ambition, qui consiste précisément à excéder toutes les limites, aussi bien morales que disciplinaires, en portant la pensée là où elle se dérobe. Selon la même logique paradoxale, ce mouvement va de pair avec l’élaboration d’un lexique et d’un appareil notionnel qui confère à l’œuvre l’unité, la cohésion et l’autonomie d’un univers. Cette œuvre sans mesure n’a toutefois pas procédé d’un pur esprit ; elle s’est élaborée dans le temps et dans l’espace d’une vie débordante d’événements et de rencontres. Les rapports que ce chartiste a noués avec ses contemporains dressent un univers à part entière, aussi vaste et insondable que sa pensée. Ainsi l’œuvre et la vie, ayant pour exigence l’absence de limites, se font écho en s’abîmant l’une dans l’autre. Tel est l’univers Bataille que nous nous proposons d’explorer.