Les écrivains, comme les historiens, sont des passionnés des traces. Mais comment les interrogent-ils ? N’y a-t-il pas quelque chose de spécifique dans leur façon de les remonter ?
Irène Frain, il y a trois ans, a découvert dans une archive le destin exceptionnel d’une oubliée de l’Histoire, la Lorraine Pauline Geuble. Cette autobiographie inachevée relatait comment son autrice, une petite couturière française exilée à Moscou, avait croisé le chemin d’un grand aristocrate russe à la veille de la conspiration décembriste de 1825. Ce complot contre le tzar Nicolas 1er fut immédiatement déjoué ; tous les conjurés qui avaient échappé à la peine capitale furent déportés aux frontières de la Chine et de la Mongolie. La jeune femme obtint du tzar de rejoindre son amant là-bas et de l’y épouser. Avec sept autres compagnes de condamnés — russes, elles, et toutes de haut rang —, elle contribua à sauver les déportés du désespoir et d’une mort assurée.
Dans son ouvrage Je te suivrai en Sibérie, Irène Frain, à son tour, a mis ses pas dans ceux de Pauline. Au sens propre autant qu’au figuré puisqu’elle s’est mise en quête des lieux où s’était déroulée cette extraordinaire équipée et qu’elle s’y est rendue. Pourquoi lui était-il si essentiel de croiser ainsi l’espace et le temps ?