Les axes du Centre Jean-Mabillon
Les axes de recherche du centre Jean-Mabillon ont vocation à couvrir l'ensemble des processus qui expliquent et font connaître la production écrite du Moyen Âge à nos jours, y compris dans sa relation avec l'oralité et l'iconographie, à travers les diverses étapes qui vont des conditions de production (axe 1) aux mécanismes de transmission patrimoniale (axe 2) et aux conditions de restitution savante à la communauté scientifique de cette documentation historique (axe 3).
Axe 1. Les cultures de l’écrit du Moyen Âge au XXIe siècle
Cet axe de travail constitue comme un soubassement pour les axes suivants. L'étude des conditions sociales, matérielles et culturelles de la production écrite sur une longue durée est une préparation indispensable à une meilleure compréhension des phénomènes de patrimonialisation (axe 2) ainsi qu'à une meilleure exploitation et restitution de ces sources documentaires (axe 3). Des enquêtes circonscrites à des espaces d'ores et déjà reconnus (Saint-Denis, Paris) se mêlent à des investigations comparatistes, liées à des phénomènes d'urbanisation ou sensibles à des logiques croisées d'attraction/répulsion entre le centre et la périphérie, dans un espace essentiellement français, mais également ouvert sur des influences à l'échelle du continent européen (espaces allemands, anglais, espagnols, italiens, russes ou suisses) ou américain (Canada, Louisiane).
L'étude sur la longue durée des effets de la literacy, au-delà d'une périodisation essentiellement médiévale, doit pouvoir déboucher par un élargissement chronologique sur l'inclusion, aux côtés des questions d'apprentissage de l'écriture et de la production/gestion des écritures documentaires, de questionnements liés à des enjeux de transferts linguistiques et d'histoire du livre. À cet égard, cet axe privilégie la recherche des formes revêtues par des phénomènes semblables à des époques différentes en tentant d'échapper à un système de valeurs fondé sur une téléologie hors de propos. Ainsi, la place de l'image dans le texte et paradoxalement de l'oralité dans l'écrit constitue un terrain de rencontre profitable, en mobilisant les apports conjugués de la cartographie, de la numismatique ou de la sigillographie autant qu'en approfondissant des chantiers partagés sur l'iconographie des manuscrits médiévaux, la photographie ou les enquêtes orales. Une attention toute particulière, suscitée par la présence de nombreux conservateurs au sein du centre Jean-Mabillon et par sa participation au LabEx PATRIMA, sera enfin portée aux aspects matériels de cette histoire (papier, parchemin, encres).
Axe 2. Genèse et tradition du patrimoine écrit et des médias : auteurs, relais et institutions
Les phénomènes contraires, mais éminemment liés, d'agrégation et de dispersion, de sélection et d'abandon, de changement de sens lorsque les singuliers (manuscrits/livres/autographes/gravures/films/objets archéologiques) se muent en rassemblements structurés et structurels de collections esthétiques, savantes, documentaires ou administratives (bibliothèques, archives, musées) sont abordés dans des dimensions exemplaires. Les individus ou personnes morales qui sont à l'origine de ces processus historiques et complexes de patrimonialisation (commanditaires, producteurs et imprimeurs, fouilleurs, collectionneurs, commentateurs, conservateurs, institutions à caractère culturel ou non, etc.) sont autant que nécessaire rapportés à l'héritage documentaire (au sens large) dont les historiens disposent aujourd'hui pour leur recherche.
Ce parcours prudent sur la voie rétrospective amène à envisager sur un nouveau plan ce que l'on pourrait nommer la fabrique du patrimoine. Des exemples spécifiques, tels que les institutions lyriques et théâtrales, continueront de servir de support à l'expérimentation et à la réflexion dans une démarche originale qui consiste à s'écarter de la question de l'intentionnalité créatrice pour se concentrer sur les processus sociaux et matériels par le biais desquels les œuvres sont produites. L'histoire du livre, en son amont comme en son aval, l'histoire du droit, appréhendée par la tradition textuelle et par sa dimension doctrinale, l'histoire de l'archéologie et des fouilles archéologiques et l'histoire des médias contemporains, de la presse à l'industrie cinématographique, constituent des terrains d'investigation privilégiés.
Axe 3. Épistémologie et normativité des éditions de textes et d'images à l'âge du numérique
Le centre Jean-Mabillon inscrit délibérément dans sa démarche scientifique l'ambition d'être une plate-forme, moins normative que délibérative, de débats et de rencontres autour de la question de l'édition critique des documents. Par son histoire, par ses réalisations et par la diversité de ses membres, il est relativement bien armé pour affronter la question de l'épistémologie et la normativité des éditions de textes et d'images à l'âge du numérique.
Celle-ci intéresse non seulement les spécialistes disciplinaires (historiens, philologues, historiens de la littérature, etc.), les informaticiens et spécialistes des nouvelles technologies mais aussi les pouvoirs publics en général et singulièrement les professionnels de la conservation patrimoniale confrontés à des défis de premier ordre, de la réutilisation des données publiques à la restitution au public du patrimoine confié à leur garde.
L'archivage électronique suscite ainsi de multiples problèmes, dont certains scientifiques, pour lesquels l'apport d'une recherche propre du Centre Jean-Mabillon est précieux, tant il est vrai qu'il s'agit là de préalables indispensables à une ecdotique de qualité. Il s'agit de rien de moins que de repenser les conditions requises pour évaluer et maintenir l'authenticité des documents d'archives électroniques et élaborer les outils, dispositifs et référentiels pour tenter de répondre à ce défi.