Le plaisir de l’archive inédite

Le plaisir de l’archive inédite est à l’histoire ce que la cour de récréation est à l’école. On mène l’enquête, on pose sa question, on définit son champ chronologique, celui de ses sources, on procède aussi méthodiquement que possible et on se retrouve tout à coup en plein sortilège, dans l’inattendu, dans la surprise. Cela peut prendre la forme d’un coup de téléphone, d’une lettre : « Nous avons des archives ! ». On prend alors des chemins de traverse, des routes d’arrière-pays, des dérivations, des aiguillages et on exhume des trésors.

Il y a dans la quête de l’historien quelque chose de la passion de l’archéologue. Les traces enfouies du passé sont comme les couches géologiques de sa mémoire. « Elles gisent encore là, les traces de l’étincelante armure » disait André Breton. L’historien ne voyage pas seulement dans le temps, mais dans l’espace. La distance, pense-t-il,  lui tient lieu de propédeutique et légitime son savoir. Il s’y tient bien à l’abri, se ménage et se préserve. Et l’émotion pourtant le submerge, celle de ses archives, celle de son sujet. On est toujours rattrapé par soi-même.  Que l’historien tienne son sujet à distance est une chose. Qu’il s’abstienne ou qu’il aille jusqu’à oublier volontairement ce qu’il est, son propre parcours, sa sensibilité, son tempérament et jusqu’à l’époque dans laquelle il vit en est une autre. Le plaisir de l’archive inédite contribue à tout cela. « Un coup de dés jamais n’abolira le hasard ».

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