Bertrand Haan, archiviste paléographe (prom. 1998) et maître de conférences à Sorbonne Université, dirige avec Jérémie Foa et Matthieu Gellard l’ouvrage Servir le prince en temps de guerre civile. Dans l’Europe des XVIe et XVIIe siècles, aux Presses universitaires de Rennes (janvier 2024).
Présentation
Le service implique une hiérarchie et se fonde sur une réciprocité : il revient au sujet de satisfaire et d’assister les détenteurs du pouvoir, comme aux détenteurs du pouvoir de reconnaître, d’accréditer et de récompenser le service rendu. Le service s’accompagne d’un discours mettant en exergue le dévouement voire le sacrifice, tout en demandant à être confirmé en actes. Ainsi est-il un fondement de la fidélité aux princes, doit-il être profitable à chacun, et ouvre-t-il la porte à la négociation.
Comment comprendre, dans une perspective européenne et au sein de la première modernité, le service comme ce lien fondamental qui innerve tous les rapports d’autorité ? La réponse ne tient pas à une construction hiérarchique décidée du sommet mais à des interactions entrecroisées. Elle ne tient pas seulement à des éléments de discours, mais à des comportements individuels et collectifs entre les sujets et leurs dirigeants. Elle ne se limite pas aux élites sociales sur lesquelles l’historiographie a jusqu’ici concentré son attention, mais elle concerne l’ensemble des acteurs qui invoquent leur attachement indéfectible à un prince ou à une communauté quelle qu’elle soit (une République, une Église, une ville, etc.).
Au-delà de ces rapports vécus sur un mode personnel et même charnel avec les dirigeants, le service met en concurrence les convictions politiques et religieuses. Alors que nombre d’États s’affirment au cours de la première modernité comme des entités autonomes, le service rendu à la personne du dirigeant et les obligations ressenties envers l’État, le bien commun ou l’Église, tendent à se dissocier, voire à entrer en conflit dans le cadre de guerres civiles et de guerres de Religion. C’est au cœur de ces périodes de déchirures que le service et la relation au service vivent une mutation décisive. C’est en leur sein que s’éclairent le plus vivement les pratiques et les conceptions politiques fondées sur le service dans ses différentes formes, dans ses actes, dans les imaginaires qu’il met en jeu, dans les négociations et les conflits qu’il suscite.