Jean-Baptiste Camps, maître de conférences à l’École et responsable pédagogique du master PSL « Humanités numériques », et Florian Cafiero, ingénieur de recherche au CNRS et chargé de cours à l’École, révèlent l’identité des initiateurs du mouvement QAnon, par le biais de travaux de recherche basés sur la stylométrie. 

Un article intitulé « Who Is Behind QAnon? Linguistic Detectives Find Fingerprints », paru dans le New York Times le 19 février 2022, s’appuie sur les conclusions des deux chercheurs au sujet de l’identité de Q, à l’origine du site QAnon. 

Ce papier, largement repris par la suite, a donné lieu à la publication de nombreux articles relayant les travaux de Jean-Baptiste Camps et Florian Cafiero.

→ Consulter l’article paru dans le New York Times

Trois questions à Jean-Baptiste Camps

En quoi consiste la stylométrie ?

La stylométrie est, étymologiquement, la « mesure du style », c'est-à-dire l’analyse du style, comme donnée individuelle, par des méthodes statistiques. « Style » est à entendre ici comme « idiolecte », au sens des linguistes, autrement dit, l’usage de la langue propre à une personne, un individu. Le terme a été forgé à la fin du xixe siècle par Wincenty Lutosławski (1863–1954), pionnier de l'étude statistique des textes. La stylométrie s’intéresse aux propriétés peu conscientes et peu perceptibles du langages, telles que la fréquence des mots-outils (déterminants, subordonnants, …) ou la syntaxe des phrases.

Comment cette discipline vous a permis d’identifier les auteurs des messages de QAnon ?

Aujourd’hui, la stylométrie s’est enrichie de l’arsenal très développé de l’intelligence artificielle. Grâce à celui-ci, nous avons pu entraîner un modèle à reconnaître le style d’un ensemble de candidats proposés soit par des journalistes d’investigation, soit figurant dans les croyances de la communauté QAnon (de Ron W. à Donald T.). Une fois cela fait, après avoir estimé l’exactitude du modèle à 98 % environ, nous l’avons appliqué aux textes à attribuer, les QDrops, et confirmé qu’ils avaient vraisemblablement deux auteurs (identifiables) successifs.

Pourquoi vous êtes-vous intéressé à QAnon ?

Cela nous éloigne quelque peu du Moyen Âge comme de Molière ! Nous y sommes venus car, lorsque la stylométrie a fait irruption sur la scène légale en France avec l’affaire Grégory (pour laquelle une start-up suisse s’était vue commander une expertise), Florian et moi avions publié une tribune dans le journal Le Monde pour préciser certains éléments du débat. Suite à cela, nous avons été sollicités par des journalistes d’investigation du New York Times, qui menaient l’enquête sur QAnon, et souhaitaient une seconde expertise sur ce sujet, à croiser avec celle de ladite start-up suisse (qui, outre Grégory, avait aussi travaillé sur le sujet QAnon). Il s’agit d’une commande, donc, même si le sujet nous intéresse plus directement, notamment Florian, qui travaille sur les théories du complot et leur diffusion en ligne, mais aussi moi, qui m’intéresse (quoique de plus loin) à la stylométrie comme outil de lutte contre la désinformation.

Une nouvelle publication sur la stylométrie

Jean-Baptiste Camps et Florian Cafiero publient Affaires de style : du cas Molière à l’affaire Grégory, la stylométrie mène l’enquête, aux éditions Le Robert. 

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