Du folklore d’oc dans des manuscrits hébreux du Comtat Venaissin (XVIe-XVIIIe siècles)

La philologie romane sait depuis longtemps tirer parti des documents en langue vernaculaire écrits en lettres hébraïques et préservés dans les sources juives : en domaine d’oïl, chacun sait l’importance des gloses françaises des rabbins pour la connaissance de la langue médiévale. En domaine occitan, une série de découvertes a révélé, dans des sources juives du début de l’époque moderne, l’existence d’une matière philologique riche et jusqu’ici inconnue. Les juifs d’Avignon et du Comtat Venaissin, à l’instar de leurs voisins chrétiens, composaient et chantaient leur poésie rituelle sur les airs musicaux profanes à la mode. Entre le XVIe et le XVIIIe siècle, leurs manuscrits en hébreu (livres rituels et recueils de poèmes pieux) conservent souvent des fragments voire des textes entiers de ces chansons profanes, en provençal et en français en lettres hébraïques, à côté de leurs réécritures pieuses en hébreu, auxquelles elles servaient d’indicateur mélodique. Ces sources riches et inédites sont précieuses à plus d’un titre : elles fournissent les plus anciens spécimens connus de poésie populaire d’oc, documentent des états de langue parlés n’ayant laissé aucun témoignage comparable, et enfin renseignent sur la circulation de chansons folkloriques par-delà les frontières provinciales, linguistiques et religieuses. Nous présenterons ce corpus inédit et illustrerons, autour de plusieurs exemples choisis, une méthode philologique qui, à partir de ces brefs et obscurs fragments, permet de lever le voile sur un pan entier de l’ancien folklore de la France.

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