Une lecture bourdieusienne des écrits d’Anne-Marie Christin sur l’illustration

Les écrits d’Anne-Marie Christin sur l’illustration, et notamment le texte de sa conférence de 2009 à l’université de Minas Gerais, « De l’illustration comme transgression », ont récemment fait l’objet d’une revue (Textimage, no 12, 2020). Nous souhaitons, dans cette communication, faire état des convergences observées entre l’appréhension de cette pratique artistique par Anne-Marie Christin et celle que nous avons développée sur la base de la théorie des champs de Pierre Bourdieu, pourtant fort éloignée de l’univers de pensée de l’auteure. Nous présenterons tout d’abord rapidement notre approche de l’illustration en France pendant l’entre-deux-guerres en tant qu’un champ culturel, une approche en partie exposée lors de la conférence de 2021. Commentant l’autonomie de ce champ, nous montrerons que son indépendance par rapport au champ littéraire, largement revendiquée à l’époque, est une composante de l’illusio de l’activité, cet ensemble de croyances, éventuellement illusoires, partagées par les acteurs d’un champ. Une telle analyse rejoint le point de vue général d’A.-M. Christin sur l’illustration occidentale, et en particulier sur les illustrés de la première moitié du XXe siècle, considérant cette activité comme essentiellement logocentrée, c’est-à-dire soumise à l’écrit. Nous ferons ensuite état d’une typologie des différents rapports entre les illustrations et les textes mis en œuvre à cette période ainsi que d’une cartographie de ces rapports-types au sein de la structure du champ. La notion de résonance images-texte sera introduite et nous commenterons ses conditions d’observation. Nous ferons alors le lien entre cette approche de la relation texte-image et la notion de transgression exposée par A.-M. Christin en 2009. Cet exercice permettra sans doute de mieux appréhender ce concept-clé de l’auteure et de comprendre pourquoi A.-M. Christin a pu s’intéresser, au cours de sa carrière, à des objets aussi divers que Gigi de Colette illustré par Christian Bérard et Les Mains libres de Man Ray et de Paul Éluard.